(parce que le titre français est vraiment trop moche)
Un livre de Nuala O'Faolain, c'est à la fois un bonheur et un pincement au coeur.
Une joie de retrouver cet auteur que j'affectionne particulièrement (donc pour l'objectivité, on oubliera, vous êtes prévenus); et en même temps une certaine tristesse car elle est partie trop tôt, laissant trop peu de livres derrière elle... Chaque livre que je lis en fait un de moins à découvrir.
Voilà pourquoi je me rationne avec Nuala O'Faolain, j'essaie de faire durer le plaisir.
Donc voilà, je l'ai commencé avec joie, tout en essayant de ne pas le terminer trop vite.
Comme je cède à mes pulsions nualesques dans le désordre, j'avoue avoir été un peu déroutée au début (ma dernière lecture étant J'y suis presque, dont l'action se situe après celui-ci), mais ça n'a pas duré.
C'est vrai que j'ai eu un peu de mal au début, en comparaison avec J'y suis presque. Certainement parce que Nuala O'Faolain évoque davantage l'histoire de son pays, que je connais mal, qu'elle évoque des intellectuels irlandais qui me sont totalement inconnus (honte sur moi sans doute) (en même temps on ne peut pas tout savoir) (et on est pas tous obligés d'avoir fait normale sup') (et toc), et que les premières pages me semblaient un peu décousues.
Mais il n'empêche que, comme à chaque fois (que ce soit une oeuvre autobiographique ou pas), je lui suis reconnaissante.
Sentiment quelque peu étrange, mais vrai.
Je suis à la fois touchée par son parcours si riche et tout sauf linéaire, sa lucidité et le regard sans aucune complaisance qu'elle porte sur elle-même, sa vie de femme entière et si moderne en dents de scie, entre passages à vide et plaisirs à durée variable, ses forces et ses faiblesses...
Elle m'ouvre des portes sur des univers dont je n'avais aucune idée, elle me donne envie de voyager, elle m'éduque (aussi bizarre que cela puisse paraître).
Mais ce que je retiens surtout, c'est sa formidable capacité vitale, son enthousiame insatiable qui reprend toujours le dessus, un jour ou l'autre (à se faire pâmer Boris Cyrulnik).
Et sa passion pour la lecture (les deux étant à mon avis inextricablement liés depuis son passage au pensionnat): "Il n'y a personne sur terre avec qui j'aurais parlé plutôt que de lire Madame de Mauves", "nous sommes allées dans un ferry au départ de Trieste, à cause de Nabokov et d'une de ses nouvelles que j'aimais"...
Si je m'écoutais je continuerais à la citer encore et encore, tant son écriture est généreuse et sincère.
Et nous encourage à continuer, encore et encore: "Continuer de travailler [...] Continuer d'espèrer [...] Être simplement moi-même [...] Que puis-je faire d'autre [...] que m'accrocher et remercier Dieu en qui je ne crois pas des miracles dont il m'a comblée?"
Pour finir en beauté, ce poème de Raymond Carver extrait de Late fragment, judicieusement choisi par Nuala O'Faolain en préambule à son dernier chapitre:
(drôle de coïncidence, la veille on me recommandait de lire cet auteur... ce poème me donne très envie d'acheter l'un de ses recueils, moi qui suis plutôt réfractaire à la poésie)
And did you get what
you wanted from this life, even so?
I did.
And what did you want?
To call myself beloved, to feel myself
beloved on the earth.