Je l'ai lu d'une traite.
Dans le train chaque matin, dans mon lit chaque soir, le train entrait toujours trop vite en gare, mes yeux se fermaient beaucoup trop tôt... déjà; il fallait le refermer.
Et durant les minutes qui suivaient, penser sans cesse à ces voix de femmes qui content leurs destins brisés; un pan de l'histoire dont j'ignorais tout jusqu'alors.
Ces japonaises, auxquelles Julie Otsuka donne enfin la parole, ont quitté leur terre natale pour les Etats-Unis où les attend un avenir meilleur, promis par de brillants fiancés partis du Japon quelques années auparavant pour trouver le succès sur cette terre promise. Succès qui n'aura jamais existé que dans les lettres précédant la conclusion de ces mariages arrangés.
A l'arrivée la confrontation avec la réalité sera pénible. Au lieu de la prospérité promise, une vie de labeur, de résignation, d'humiliations... jusqu'à la disparition, pendant la Seconde Guerre Mondiale, de ces japonais soupçonnés de comploter contre leur pays d'adoption.
Dès la première page, on est emporté par ces voix de femmes qui rapportent l'horreur ordinaire et la misère quotidienne, de la traversée du Pacifique au départ pour l'inconnu, en passant par la première nuit, les accouchements, les récoltes, les enfants, les incivilités et outrages dont elles sont doublement victimes (en tant que femmes et en tant que japonaises) dans ce pays qui se montre plus intolérant qu'accueillant, quand il ne leur témoigne pas le racisme le plus violent.
En rassemblant toutes ces voix en une seule, en faisant de ces destinées singulières un choeur collectif, Julie Otsuka décuple leur force et leur portée.
Ce texte poétique et beau a quelque chose d'envoûtant, comme une litanie sans fin, dont on ne peut taire l'écho qu'il fait naître en nous.