René Gruau
Ce chapeau, je l'ai posé négligemment sur mon mannequin. La tête penchée et de travers, un peu comme si je l'y lançais là tous les soirs depuis l'entrée.
Comme si j'ouvrais la porte d'un coup de talon, comme si j'entrais triompheusement, suintant la poussière et le feu, l'odeur métallique du sang et la fatigue des chevaux.
Comme si mes bottes claquaient sur le plancher, et que le whisky coulait tout seul à ma seule apparition.
C'est un chapeau à prix modeste - je l'ai même acheté soldé -, mais il est fait en Italie! Quand j'y pense j'oublie le whisky, le désert, c'est le Campo dei Fiori que je préfère.
Ce chapeau, il m'a fait un mal de chien. Au cou, aux trapèzes, et même jusqu'aux nerfs optiques! C'est qu'il me force à regarder loin devant.
Ce chapeau, je l'ai voulu, puis je l'ai eu, je l'ai porté, au sommet de ma tête, du bout des doigts et sur la pointe des pieds, mais je ne l'ai pas encore usé.