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Les humeurs de Violette
Les humeurs de Violette
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Jeanne

Jeanne

Si Jacqueline de Romilly a écrit ce texte à la mort de sa mère, en 1977, elle avait demandé à ce qu'il ne soit publié une fois qu'elle serait morte, tant ce qu'il recélait d'intime l'aurait mise mal à l'aise.
De Jacqueline de Romilly je n'avais jamais rien lu, n'étant pas helléniste, et ne connaissais ce personnage que de loin, je dois bien l'avouer, jusqu'à sa mort et aux articles qui ont succédé.
Pourtant, dès que Jeanne est sorti, j'ai voulu lire ce récit. Le temps a passé, je ne me l'étais pas procuré; il était enfoui dans ma mémoire lorsque George nous l'a proposé (à deux reprises!).

C'est un texte particulièrement intime, en effet, et je comprends que Jacqueline de Romilly ait préféré qu'il soit dévoilé après sa mort. Mais aussi un texte particulièrement doux, plein de tendresse et d'amour véritable, non un amour idéalisé, embelli par des souvenirs qu'on se plaît souvent à redorer plus ou moins consciemment.
La force du récit consiste dans le charme de Jeanne, qui a marqué tous ceux qui l'ont croisée, alliage d'une élégance sans faille dans son apparence comme dans son comportement ("elle n'aurait pas peu peur, elle n'a jamais eu peur [...] Surtout, elle ne l'aurait pas laissé voir. De même qu'à aucun moment de sa vie elle n'a toléré d'être vue mal habillée [...] C'était là, assurément, obéir à une certaine idée du bien; mais c'était avant tout rester fidèle à ce modèle intérieur"), d'un esprit ironique et fin, et d'une force irréductible et tranquille. Charme que parvient à ressuciter la plume à la fois touchante et clairvoyante de sa fille, et auquel l'on succombe tout en se promettant de faire siens ses modèles et lois intérieures - "On supporte ce que l'on veut", "remporter sur le temps et la solitude mille petites victoires, pleines d'allant et de panache".
Mais si ce récit est autant poignant, c'est aussi parce que Jacqueline de Romilly parvient à articuler tous les non-dits de nos relations avec les autres, tous ces silences qui n'en sont pas, ces malentendus que l'on ne dissipe pas, par paresse ou par lâcheté.

 Avec en toile de fond une France secouée par les guerres et les mouvements sociaux, Jeanne est un portrait de femme émouvant, une relation mère/fille particulière, mais également en creux un portrait partiel de l'auteur, qui ne s'épargne pas en revisitant son passé.